Page:Le Braz - La légende de la mort chez les Bretons vol 1 1902.djvu/418

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cette messe de trentaine que les Bretons appellent Ann ofern drantel.

Elle se célébrait à minuit. On la disait à rebours, en commençant par la fin.

Sur l'autel, on n'allumait qu'un des cierges.

Tous les défunts de l'année se rendaient à cette messe  ; tous les diables aussi y comparaissaient.

Le prêtre qui Fallait dire devait être à la fois très savant et très hardi. Dès le bas de la montagne, il se déchaussait, et gravissait la pente, pieds nus, car il fallait qu'il fût « prêtre jusqu'à la terre »1. Il montait, tenant d'une main un bénitier d'argent, brandissant

poètes populaires et des nomades chanteurs de complaintes. H vécut aveugle, comme Homère, et dompta les loups. Un escalier de gazon conduit à son sanctuaire que la foudre détruisit partiellement à deux reprises différentes. Le porche ne fut jamais atteint. Il passe pour avoir été bâti par le diable. Est-ce pour ce motif que la tradition a voué tout l'édicule à la célébration de Vofem drantel, de la messe de trentaine, qu'on appelle encore la messe des damnés ? Ce misérable porche ne sert guère aujourd'hui qu'à abriter du vent d'ouest les quelques moutons que de petits pâtres font paître sur le Ménez. On y sent une vague odeur d'étable, et l'humble chapelle a tout l'air d'une maison de berger, campée dans la sauvage solitude. A l'entour, pousse une herbe fine et drus. On a de ce haut-lieu une admirable vue. On domine les vallées du Léguer, du Jaudy, du Trieux, et les longs dos de pays qui séparent ces rivières, filant, comme elles, vers la Manche. Derrière soi, on a la ligne houleuse de l'Arez, l'échine de la terre bretonne. Qui a contemplé la Bretagne du sommet de Bré, par un jour lumineux, est assuré d'emporter d'elle une merveilleuse image.

1. Pour le contact avec la terre, comparez p. 84.

de l'autre un goupillon el faisant de tous cô