Page:Le Braz - La légende de la mort chez les Bretons vol 1 1902.djvu/48

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qui surmonte le crâne décharné de l’Ankou de Landivisiau, se lit cette ironique épigraphe : « Or çà, je suis le parrain — De celui qui fera fin. » L’Ankou de La Roche-Maurice, lui, brandissant sa lance comme un javelot, a ce cri de menace ou de triomphe : « Je vous tue tous ! »

L’usage est qu’une fois l’an, le soir de la Toussaint, le Breton visite processionnellement les charniers où sont entassées les reliques de ses ancêtres ; mais il n’est guère de jour dans l’année qu’il ne s’agenouille, au cimetière, sur les tombes de ses morts plus récents. Ailleurs, par mesure d’hygiène, on tend à éloigner de plus en plus des villages les lieux affectés aux sépultures. En Bretagne, de pareilles entreprises sont regardées comme de pures profanations. Exiler les morts du voisinage immédiat de l’église, n’est-ce pas, en quelque sorte, les faire mourir deux fois, en les retranchant de la communion de leurs proches, aux faits et gestes desquels on ne doute point qu’ils ne continuent de s’intéresser ? Aussi, le cimetière, sauf de très rares exceptions, occupe-t-il partout le centre de la bourgade. Il en est, à vrai dire, l’élément essentiel et comme le noyau vital. Les maisons qui l’entourent ne semblent groupées là que pour lui tenir compagnie. D’aucunes font corps avec son enclos, et je me souviens d’une salle d’auberge, à Saint-Jean-du-Doigt, dont la table avait pour pendant au dehors une dalle