Page:Le Braz - La légende de la mort chez les Bretons vol 1 1902.djvu/62

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leurs joies ou de leurs tristesses, de leurs regrets ou de leurs désirs, je ne dis pas seulement sa pensée constante, mais son entretien éternel.


VI


Entrez sous le premier chaume venu, par une de ces soirées d’hiver qui, créant au Breton des loisirs forcés, l’arrachent à sa taciturnité habituelle et lui fournissent l’occasion d’épancher le trop-plein de ses rêves. La famille, à qui se sont jointes quelques personnes du voisinage est rassemblée dans la pièce principale — souvent la pièce unique — servant à la fois de cuisine, de salle à manger et même de dortoir, comme en témoignent les grands lits-clos à devants de chêne sculpté, qui se font face de chaque côté de l’âtre et auxquels est adossé, en guise de marchepied, un long coffre de bois, destiné aussi à tenir lieu de siège, le banc-tossel. Les hommes prennent place sur ces bancs ou dans les fauteuils primitifs — des troncs d’arbres façonnés à coups de hache — qui occupent à demeure les deux encoignures profondes du vaste foyer. D’aucuns éfibrent du chanvre, d’autres tressent des cordonnets de paille pour les paniers ou pour les ruches, la plupart se délectent à fumer en paix de minuscules pipes de terre noire qui pendent à leurs lèvres, le fourneau renversé.