Page:Le Braz - La légende de la mort chez les Bretons vol 2 1902.djvu/338

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— Quoi donc ? répéta-t-il, la bouche pâteuse.

— Rien, rien, répondit Rumeur, sinon qu'il est plus que temps de vous mettre au lit.

Et il congédia l'homme. Mais lui-même, au lieu de se coucher, attendit sur pied la pointe de Taube, et, dès le petit crépuscule matinal, courut se poster à l’entrée du cimetière pour y guetter le recteur de Plogonnec, lorsque celui-ci viendrait dire sa messe. Le recteur de Plogonnec était un savant prêtre, aussi familier avec les choses de l'autre monde qu'avec celles de ce monde-ci. Il écouta, sans en perdre un mot, le récit de Joseph Rumeur.

— C'est parfait, prononça-t-il, quand l'autre eut terminé ; ce soir, c'est moi qui vous tiendrai compagnie. Mais, dites-moi, vous rappelez-vous ce que votre femme, de son vivant, aimait le mieux, en fait de boisson ?

— Mon Dieu, monsieur le recteur, le dimanche, lorsqu'il venait des gens nous voir, pour trinquer avec eux, elle buvait volontiers un petit verre d'eau-de-vie. Elle prétendait que ça lui coulait comme du velours dans l'estomac.

— Très bien. Préparez donc une bouteille d'eau de vie et trois verres que vous disposerez sur la table. J'arriverai vers les dix heures. Mais surtout, que personne ne soit prévenu de rien et, quoi que je dise ou que je fasse, n'en ayez aucun étonnement. A ces conditions, je vous promets que je viendrai à bout d'elle.

Joseph Rumeur regagna la maison, l'esprit plus tranquille. Tout le jour, il travailla aux champs avec

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