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Page:Le Braz - La légende de la mort chez les Bretons vol 2 1902.djvu/340

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— Allons, Marie-Jeanne, dit-il, approchez-vous, que nous trinquions.

Elle regardait avec des yeux brillants le verre qui était pour elle, mais ne faisait pas un mouvement pour le saisir.

— Passez-le moi, monsieur le recteur, pria-t*elle.

— Nenni, J'entends que vous le preniez vous-même. Et, comme elle ne bougeait toujours pas :

— Peut-être trouvez-vous qu'il n'est pas suffisamment à votre portée, dit-il.

Il enleva le verre de dessus la table et le mit à terre devant la morte, presque à ses pieds.

— Là, Marie-Jeanne. Je pense qu'il est maintenant assez près.

— Donnez-le moi dans les mains, insista-t-elle.

— Non, dit le recteur. Puisque vous faites l'obstinée, je serai aussi têtu que vous.

Le temps, cependant, passait et la morte, sentant venir minuit, qui était pour elle l'heure prescrite, commençait à s'énerver. Elle se doutait bien que le prêtre manigançait contre elle quelque chose, mais, d'autre part, elle respirait l'odeur de l'eau-de-vie, de cette eau-de-vie qu'elle avait naguère aimée par dessus tout, et elle brûlait d'envie d'y goûter une fois encore. Finalement, la tentation fut chez elle plus forte que la crainte. Elle se pencha pour attraper le verre. C'était précisément ce que le recteur attendait. Elle n'eut pas plus tôt la tête baissée que, d'un geste brusque, il la lui emprisonnait dans son étole.

— Je vous tiens, Marie-Jeanne Pérennou, s'écria-t-il.