Page:Le Braz - La légende de la mort en Basse Bretagne 1893.djvu/144

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Il entendit alors, dans le petit chemin creux, le bruit d’une charrette. Les essieux, mal graissés, criaient : Wig-a-wag ! wig-a-wag !

— Allons ! se dit Gab, voilà mon vœu près d’être exaucé. Ce sont sans doute les gens du manoir qui vont charger du sable à Saint-Michel-en-Grève. Ils me porteront mon sac jusqu’à mon seuil.

Il vit déboucher les chevaux, puis la charrette. Ils étaient terriblement maigres et efflanqués, ces chevaux. Ce n’étaient certes pas ceux de Nizilzi, toujours si gras, si luisants. Quant à la charrette, elle avait pour fond quelques planches disjointes ; deux claies branlantes lui servaient de rebords. Un homme de haute taille, un grand escogriffe aussi décharné que ses bêtes, conduisait ce piteux attelage. Un vaste chapeau de feutre lui ombrageait toute la figure. Gab ne put le reconnaître. Il le héla tout de même :

— Camarade, n’y aurait-il pas un peu de place dans ta charrette pour le sac que voici ? J’en ai le dos rompu. Je ne vais pas loin ; à Kerdrenkenn seulement !

Le charretier passa sans répondre.

— Il ne m’aura pas compris, se dit Gab. Son affreuse charrette fait un tel bruit !

L’occasion était trop belle pour la manquer. Gab Lucas s’empressa d’éteindre sa pipe, la fourra dans la poche de sa veste, empoigna le sac de pommes de terre, et courut après la charrette qui allait encore assez vite. Il finit par la rejoindre et y laissa tomber le sac, en poussant un ouf ! de soulagement.

Mais comment expliquer cela ? Le sac passa au travers des vieilles planches et chut à terre.