Page:Le Braz - La légende de la mort en Basse Bretagne 1893.djvu/149

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Laou se posta à la porte de la grange où avait eu lieu le festin, afin de recevoir le trugare, le « merci », de chacun. Force gens bredouillaient et titubaient. Laou se frottait les mains. Il aimait qu’on s’en allât de chez lui, plein jusqu’à la gorge.

— Bien ! dit-il, il y aura, ce soir, dans les douves des chemins aux abords de Kerésper des pissées aussi grosses que des ruisseaux.

Il était enchanté de lui, de ses cuisinières, de ses tonneaux de cidre et de ses convives.

Soudain il s’aperçut qu’il y avait encore quelqu’un à table. C’était l’homme à la souquenille de vieille toile.

— Ne te presse pas, dit Laou en s’approchant de lui. Tu étais le dernier arrivé ; il est juste que tu sois le dernier parti… Mais, ajouta-t-il, tu risques de t’endormir devant une assiette et un verre vides.

L’homme avait, en effet, retourné son assiette et son verre.

En entendant la parole de Laou, il leva lentement la tête. Et Laou vit que cette tête était une tête de mort.

L’homme se mit sur pied, secoua ses haillons qui s’éparpillèrent à terre, et Laou vit qu’à chaque haillon était attaché un lambeau de chair pourrie. L’odeur qui s’en exhalait, et aussi la peur, le prirent à la gorge.

Laou retint son haleine pour n’aspirer point cette pourriture, et demanda au squelette :

— Qui es-tu et que veux-tu de moi ?

Le squelette, dont les os se voyaient maintenant à nu comme les branches d’un arbre dépouillé de ses