Page:Le Braz - La légende de la mort en Basse Bretagne 1893.djvu/194

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— Va donc la fermer à ton tour. Pour moi, j’y renonce.

— Oh ! j’en viendrai à bout, quand le diable y serait ! Cet autre domestique était un gars solidement râblé, avec des bras de lutteur. Il empoigna le battant, le fit rouler sur ses gonds, furieusement, et s’y arc-bouta des deux épaules.

— Je parie, dit-il, que tous les vents du monde ne l’entre-bailleront plus !

Il n’avait pas fini de parler, que la porte lui frappait dans le dos et l’envoyait s’aplatir sur le sol, à deux pas. Il se ramassa, tout meurtri, jurant et sacrant :

— Mille malédictions rouges ! Qui est-ce qui se permet d’ouvrir cette porte ?

On entendit un long ricanement, et une voix qui disait :

— Ne te vantais-tu pas de la fermer, quand le diable y serait ?

L’homme fut effrayé, mais il voulut faire le brave :

— Je demande qui est celui qui se permet d’ouvrir cette porte, répéta-t-il.

— Moi ! répondit la voix, d’un ton si sec, si dur, si courroucé, que l’homme n’insista plus, et pour cause. Il lui semblait qu’une haleine de feu lui léchait la figure. Son épouvante était d’autant plus forte qu’il ne voyait personne.

Il vint, tout pâle, se perdre dans le groupe des veilleurs et des veilleuses, qui, eux aussi, tremblaient la fièvre froide, la fièvre de la peur.

L’horloge de la maison tinta lentement l’heure de minuit.