Page:Le Braz - La légende de la mort en Basse Bretagne 1893.djvu/202

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— Vous ne me l’avez pas dit. Mais Celui qui m’a envoyé à votre secours vous connaît mieux que vous ne vous connaissez vous-même.

— Et je pourrai voir la séparation de l’âme d’avec le corps ?

— Vous la verrez. Votre maître trépassera tantôt, sur les dix heures, dix heures et demie. Comme on croira que vous êtes allé jusqu’à Rennes et que vous en êtes revenu (car vous ne soufflerez mot de notre rencontre), on insistera pour que vous preniez du repos. Mais refusez de vous coucher. Restez au chevet du comte, et ne quittez pas des yeux sa figure. Quand il sera mort, vous verrez son âme s’échapper de ses lèvres sous la forme d’une souris blanche. Cette souris disparaîtra aussitôt dans quelque trou. Vous ne vous en soucierez point. Par exemple, vous ne laisserez à personne le soin d’aller quérir la croix funéraire à l’église du bourg. Vous irez vous-même. Arrivé sous le porche, vous attendrez que la souris vous ait rejoint. N’entrez pas à l’église avant elle. Contentez-vous toujours de la suivre. C’est essentiel. Si vous vous conformez strictement à mes recommandations, vous saurez avant ce soir ce que vous aspirez tant à connaître. Et maintenant, Ludo Garel adieu !

Sur ce, l’étrange personnage s’évanouit en une vapeur légère, vite confondue avec celles qui montaient du sol humide, dans le jour naissant.

Ludo Garel s’en revint au Quinquiz.

— Dieu soit loué ! dit le maître en voyant entrer son domestique. Tu as eu raison, brave serviteur, de faire