Page:Le Braz - La légende de la mort en Basse Bretagne 1893.djvu/227

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Mais Tadik-Coz était un gaillard qui ne se décourageait pas aisément. Je crois bien que, pour sauver une âme, il aurait été nu-pieds jusqu’en enfer.

— Hé, l’ami ! dit-il au démon, tu as l’air bien fier de ce que tu tiens là ! Franchement, il n’y a pas de quoi t’enorgueillir à ce point. J’ai connu le défunt, quand il était encore de ce monde. Un pauvre hère, en vérité ! Il a déjà eu tant de misère pendant sa vie, que ton enfer lui apparaîtra presque comme un lieu de délices. Quand on a pâti comme lui sur la terre, on n’a pas grand chose à craindre, même d’une éternité de tourments.

— C’est un peu vrai, répondit le démon. Je n’ai aucun plaisir à le vexer. Et, ma foi, je ne demanderais pas mieux que de faire un échange.

— Je te le propose, cet échange.

— Quel âme me livreras-tu à la place ?

— La mienne…, mais à une condition !

— Parle.

— Voici : vous autres, diables, vous passez pour être très fins. Moi, de mon côté, à tort ou à raison, je ne me considère pas comme un imbécile. Gageons que tu ne me mettras pas à court !

— Soit.

— Entendons-nous bien, n’est-ce pas ? Si je perds, mon âme est à toi ; si je gagne, elle me reste. Dans les deux cas, celle que tu détiens ne t’appartient plus. Commence par la lâcher.

Le diable desserra ses griffes. L’âme du défunt de Tréglamus s’envola, légère, en souhaitant mille bénédictions à Tadik-Coz.