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Page:Le Braz - La légende de la mort en Basse Bretagne 1893.djvu/231

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naon », avait lieu la « procession du charnier. » Par les sentiers, entre les tombes, la foule se dirigeait vers l’ossuaire, clergé en tête.[1] Un prêtre entonnait l’hymne lugubre :

Deomp d’ar Garnel, Christenien !…
(Allons au charnier, chrétiens !…)

La lueur vacillante de quelque torche éclairait par intervalles l’intérieur de l’ossuaire. Par les ouvertures en forme de cœur dont étaient percées toutes les boîtes, il semblait que l’on vît grimacer la bouche triste des morts.

« On disait, de mon temps, que, durant cette nuit-là, les bouches sans lèvres des trépassés recouvraient la parole, et qu’on entendait deviser entre elles les têtes de mort des ossuaires.

— Qui es-tu ? demandait une des têtes à sa voisine.

La conversation s’engageait, et, peu à peu, devenait générale.

Un vivant à qui il eût été donné d’y assister aurait été renseigné en une seule nuit sur tout ce qui se passe de l’autre côté de la mort.

En outre, il aurait entendu nommer tous ceux qui devaient mourir dans l’année. »


(Conté par mon père N.-M. Le Braz. — Tréguier.)


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  1. Il m’a été donné d’assister encore à une procession de ce genre, dans quelques bourgs de la Cornouailles. V. au chapitre de l’Anaon, ci-après.