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XXXVI

Celle qui passa la nuit dans un charnier


C’était un soir de grande journée[1] à Guernoter. Il y avait là, réunis, les domestiques principaux de trois ou quatre fermes des environs. Le souper avait été copieux et largement arrosé, comme c’est l’usage en pareille circonstance. Quand tous eurent bu et mangé à leur content, on fit cercle autour du foyer ; les hommes allumèrent leurs pipes, les femmes s’assirent à leurs rouets, et une conversation générale s’engagea.

D’abord, — cela va sans dire, — on devisa des incidents de la journée qui avait été laborieuse.

Les gens de Guernoter et ceux des fermes qui leur avaient prêté bonne aide étaient partis dès trois heures du matin pour Saint-Michel-en-Grève, — un voyage de cinq lieues, un long voyage, lorsqu’il s’agit de le faire au retour avec des tombereaux chargés de sable humide par-dessus bord.

À ce propos, on parla harnais ; on vanta l’étalon gris de Roc’h-Laz, le plus fier limonier qu’il y eût à

  1. On appelle « grandes journées » (devez braz) certaines solennités agricoles. Elles ont lieu pour des travaux d’importance auxquels ne suffisent ni le personnel, ni le matériel ordinaires de la ferme. On y convoque le ban et l’arrière-ban des voisins et amis. Tels sont, en particulier les charrois de sable et de varech.