Page:Le Braz - La légende de la mort en Basse Bretagne 1893.djvu/241

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C’est ce que l’on vit bien ce soir-là, à Guernoter.

Yvon Louarn, le maître, n’avait bu que modérément, afin de mieux griser son monde. Il s’était fourré dans le coin de l’âtre, et de là il écoutait, plus qu’il ne parlait.

En entendant les gars se récrier de la sorte, au propos tenu par la servante, il intervint.

— Eh bien ! prononça-t-il, feignant un grand sérieux, il ne sera pas dit que j’aurai perdu une si belle occasion de mettre au défi des gaillards de votre valeur. Je donne demain matin un écu de six francs à celui d’entre vous qui aura le courage de passer toute cette nuit dans le charnier.

Les gars s’entre regardèrent, riant d’un rire forcé, faisant mine de tourner la chose en simple jeu. Deux ou trois gagnèrent la porte, comme pour satisfaire un besoin.

— Allons ! insista Yvon Louarn, tâtez-vous ! J’ai dit un écu de six livres. Un écu de six livres à gagner en une seule nuit ! Vous n’aurez pas souvent pareille aubaine. Qui se décide ?

Personne ne se décidait. Tous cherchaient une défaite. Ce fut Maudez Merrien qui la trouva le premier.

— J’accepterais la gageure, dit-il, si la journée n’avait été si rude et si longue. Mais ce soir, Yvon Louarn, je ne donnerais pas pour vingt écus de six livres mon lit de balle d’avoine dans l’écurie du Mezou-Meur.

Et là-dessus, il se leva.

Les autres appuyèrent son dire et se disposèrent à imiter son exemple. Le maître de Guernoter allait sans doute leur dé-