Page:Le Braz - La légende de la mort en Basse Bretagne 1893.djvu/256

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Alors seulement elle s’aperçut que ce drap était vieux, qu’il sentait le moisi et que des vers serpentaient en guise de fils dans la trame.

Il ne fut pas plutôt déployé que Katic vit venir un cadavre à demi pourri. Elle le vit se hisser jusqu’à la plate-forme du catafalque et se coucher dans le linceul.

Katic de relever les coins de la toile, et de coudre, de coudre.

Le recteur était là, enfermé dans son confessionnal, qui attendait.

Il demandait de temps en temps :

— Approchez-vous de la fin, Katic ?

— Pas encore, répondait-elle. Tout à coup elle s’écria :

— J’ai fini !

— Dieu vous fasse paix ! prononça le prêtre. Et il s’esquiva de l’église.

Sur le seuil, il se retourna et dit :

— Maintenant c’est à vous et au mort de vous expliquer seule à seul.

Il est dans l’ordre que le jour se lève, même sur les pires choses. Lorsque, le lendemain matin, le bedeau vint sonner l’Angélus, il trouva le catafalque au milieu de la nef, quoiqu’il fût certain de l’avoir rangé la veille, dans un des bas-côtés. À l’entour gisaient épars les membres en lambeaux d’un pauvre jeune corps. Les dalles étaient maculées de sang. Il en avait jailli des éclaboussures jusque sur les chapiteaux des piliers.

Le bedeau courut au presbytère. Il conta au recteur ce qu’il venait de voir.