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Page:Le Braz - La légende de la mort en Basse Bretagne 1893.djvu/317

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tous du même côté, l’embarcation, au lieu d’avancer, virait sur place.

— Sont-ils bêtes ! grogna Yann ; en voilà des matelots d’eau douce !… J’ai bien envie d’aller leur montrer la manœuvre. C’est peut-être ça qu’il leur faut. Qu’en dis-tu, Caourantinn ? si tu restais garder le bateau ?

— Non pas ! si tu y vas, je t’accompagne.

— Après tout, il n’y a pas de risque. Nous pouvons laisser le bateau là où il est. Il y en a encore pour une bonne heure avant le premier flot. Viens ça, camarade, à la grâce de Dieu !

C’est à peine s’ils eurent de l’eau jusqu’à mi-jambes.

Ils s’acheminèrent sur le fond de vase dans la direction de la barque blanche.

Plus ils approchaient, plus les matelots surnaturels faisaient force rames, et plus aussi la barque blanche virait, virait, virait.

Quand les deux compagnons furent tout près d’elle, elle sombra soudain, et avec elle disparut la lumière qui éclairait le coin de la Baie. La nuit et la mer un instant se confondirent. Puis, à la place où étaient les quatre rameurs, s’allumèrent quatre cierges. À leur clarté douteuse, Yann et Caourantinn s’aperçurent que le cinquième fantôme, celui qui tenait tout à l’heure le gouvernail, dressait encore au-dessus de l’eau la tête et les épaules.

Ils s’arrêtèrent, saisis d’épouvante. À vrai dire, ils eussent préféré être ailleurs. Mais comme ils s’étaient tant avancés, ils n’osaient plus rebrousser chemin. L’homme avait, du reste, une figure si triste, si triste,