Page:Le Braz - La légende de la mort en Basse Bretagne 1893.djvu/358

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Adieu, pères et mères, frères et sœurs !
Adieu, parents, amis ! Adieu, vous, les vivants du monde !
Nous vous faisons maintenant nos derniers adieux.
Adieu, tous ! Au revoir dans la vallée de Josaphat

Donnez le durable repos, Jésus, notre Maître,
Au bon Anaon trépassé qui est dans les flammes !
Envoyez-le au paradis pour vous louer à jamais
Avec les saints, avec tous les anges[1] !

La gwerz chantée, chacun rentre chez soi. Puis on s’installe au coin du feu, pour causer de ceux qui sont morts.

  1. J’ai traduit cette complainte du recueil d’hymnes religieuses, intitulé : Kannouennou santel, dilennet ha reizet evit Escopti Kemper. Ce recueil est de l’abbé Henry. L’auteur a quelque peu modifié le texte populaire. Mais ces modifications n’ont porté que sur certaines expressions auxquelles il a tenu à donner une forme plus archaïque, plus scientifiquement bretonne. Encore a-t-il eu la probité de dresser en tête de l’ouvrage une sorte de lexique des mots anciens qu’il a cru devoir substituer aux termes actuellement en usage.

    La gwerz dont je donne ici la traduction est d’un caractère saisissant, mais il la faut entendre chanter en breton par de rudes voix de paysans et dans le cadre funèbre qu’elle comporte. Je n’oublierai jamais l’effet qu’elle produisit sur moi, un soir de Toussaint, dans le pauvre cimetière de Spézet, un bourg perdu de la Montagne-Noire. Toute cette région de la Cornouailles du centre est elle-même une sorte de cimetière préhistorique, hérissé de monticules qui, dans la solitude des landes, semblent un peuple de cairns mystérieux. Dans ce vaste pays mortuaire, cette mélopée puissante, cette lamentation si large, si monotone, avait vraiment une grandeur farouche et vous communiquait un frisson très particulier.