Page:Le Braz - La légende de la mort en Basse Bretagne 1893.djvu/397

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

vivant n’était entré dans son lit, depuis la mort du Vieux. Mais, à diverses reprises, elle avait vu le Vieux lui-même s’étendre à côté d’elle. Elle aurait bien voulu se refuser. Elle lui avait obéi par peur. Il disait que Dieu l’ordonnait, qu’il n’était revenu que pour cela, parce qu’il n’avait pas fait son compte d’enfants

— Il faut que ce qui doit être soit, prononça le recteur, quand elle eut tout raconté. Allez en paix, ma fille. Vous n’avez fait que votre devoir.

— Hélas ! monsieur le recteur, comment serais-je en paix ? Les mauvaises langues vont tourner comme des roues de moulin. Je suis une femme perdue. On ne croira pas ce qui est…

En effet, dès que sa grossesse fut visible, tout le monde la hua. On l’accusa de s’être livrée au charretier. On la flétrit, on la vilipenda.

De guerre lasse, elle retourna au presbytère.

— Monsieur le recteur, donnez-moi, je vous prie, l’absolution finale. Je n’en peux plus. Je suis résolue de mourir.

— Attendez jusqu’à dimanche, Katic, et venez à la grand’messe.

Elle eut le courage d’y venir et de gagner son banc, malgré les yeux hostiles qui la dévisageaient, malgré les vilaines choses qui se chuchotaient à mi-voix sur son passage.

Après l’évangile, le recteur monte en chaire, pour le prône.

« — Paroissiens, dit-il, quiconque juge mal en ce monde sera mal jugé dans l’autre. Il y a ici une femme à qui vos calomnies font faire son purgatoire