Page:Le Braz - La légende de la mort en Basse Bretagne 1893.djvu/452

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linge aussi allègrement que si c’eût été un ballot de plume.

— Fanta Lezoualc’h, dit-elle, tu as le jour pour toi ; tu ne devrais pas me prendre ma place, la nuit.

Fanta, qui se croyait seule, sursauta de frayeur, et ne sut d’abord que répondre. Elle finit enfin par balbutier :

— Je ne tiens pas à cette place plus qu’à une autre. Je vais vous la céder, si cela peut vous faire plaisir.

— Non, repartit la nouvelle venue, c’est par badinage que j’ai parlé de la sorte. Je ne te veux aucun mal, bien au contraire. La preuve en est que je suis toute disposée à t’aider si tu y consens.

Fanta Lezoualc’h, que ces paroles avaient rassurée, répondit à la Maouès-noz, à la « femme de nuit » :

— Ma foi, ce n’est pas de refus. Seulement je ne voudrais pas abuser de vous, car votre paquet semble plus gros que le mien.

— Oh ! moi, rien ne me presse.

Et la femme de nuit de jeter là son faix de linge, et toutes deux de frotter, de savonner et de taper avec entrain.

Tout en besognant, elles causèrent.

— Vous avez dure vie, Fanta Lezoualc’h ?

— Vous pouvez le dire. En ce moment, surtout. Depuis l’angélus du matin jusqu’à la nuit close, aux champs. Et cela doit durer ainsi jusqu’à la fin de l’août. Tenez, il n’est pas loin de dix heures, et je n’ai pas encore soupé.

— Oh ! bien, Fanta Lezoualc’h, dit l’étrangère, retournez donc chez vous, et mangez en paix. Vous n’en