Page:Le Braz - La légende de la mort en Basse Bretagne 1893.djvu/483

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    une double forme : ici, récit en prose ; plus loin, ballade, selon les localités. Tel est le cas, entre autres, pour la légende de « La fille qui pleurait trop sa mère » (cf. plus haut Il ne faut pas trop pleurer l’Anaon). Elle se retrouve, presque identique, dans les Gwerziou Breiz-Izel, tome I, p. 60. On peut se demander laquelle des deux formes est la plus ancienne, du récit en prose ou de la complainte. Est-ce la complainte dont le rythme a disparu ? Est-ce le récit en prose que les poètes populaires ont exploité comme une matière à versification ? Il serait bien difficile de se prononcer. L’une et l’autre thèses se peuvent soutenir avec une égale vraisemblance. Pour ce qui est de la gwerz qui nous occupe, il est certain que l’épisode de la pénitente, qui la remplit presque toute, n’a qu’un rapport très indirect avec le sanctuaire de Lochrist et les miracles dont on le glorifie. Il s’adapte tant bien que mal au cadre où on l’a fait entrer.

    La chapelle de Lochrist (commune de Plounévez, arrondissement de Morlaix) est un ancien prieuré de l’abbaye de Saint-Mathieu. Les vieux titres la désignent sous le nom de priatorus de loco Christi, ou encore humilioris arboris, ce qui traduit exactement an izelvet, corruption de an izel-guez (les bas arbres). Le site est gracieux et vert ; la mer, toute proche, s’étale en une grande nappe miroitante dans l’anse de Goulven, à l’ouest, et borde, à l’est, l’étrange et pittoresque rivage du pays de Plouescat. Le sanctuaire actuel est un édifice sans caractère, reconstruit vers la fin du XVIIIe siècle. Quelques parties plus anciennes ont cependant été conservées, en particulier une tour et un porche qui doivent remonter à une date lointaine. Si l’on en croit la tradition, la chapelle primitive aurait été élevée sur le lieu où Fragan, père de Guénolé, défit les barbares qui ravageaient à cette époque le littoral du Léon. Elle est placée en tout cas, au point où finissait l’archidiaconé de Léon et où commençait celui de Kéménet-Illy. Le ruisseau qui leur servait de ligne de démarcation coule au pied de Lochrist. La chapelle est entourée d’un cimetière où l’on n’enterre plus. On en a extrait naguère des sarcophages en pierre, datant des premiers siècles de l’Église. Quant à la tombe de la pénitente dont il est question dans notre gwerz, j’ignore si elle existe réellement ; les gens du pays le tiennent pour certain, et vous