Page:Le Braz - La légende de la mort en Basse Bretagne 1893.djvu/512

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Tout d’abord, il ne se soûla que le dimanche. Puis ce fut à chaque fois que se levait le soleil béni. Il ne craignait plus ni Dieu ni gendarmes. À minuit passé, il buvait encore dans les auberges de mauvais renom. L’aube le surprenait souvent en quête de sa demeure, zigzaguant d’un talus à l’autre.

Une nuit qu’il rentrait à sa ferme, ivre comme de coutume, il trébucha contre les marches du calvaire qu’il avait fait dresser. Le choc fut si rude qu’il en resta quelque temps étourdi, abattu à plat ventre sur le sol, avec son nez qui saignait.

Il essaya de se relever ; impossible. L’eau-de-vie qu’il avait bue lui était tombée dans les jambes.

Vous pensez s’il jurait et sacrait. Il lançait les imprécations les plus atroces contre la croix, contre le Christ même. Il alla plus tard jusqu’à prétendre que le calvaire avait fait exprès de lui venir barrer le chemin.

Pour le moment il était fort ennuyé d’être couché là malgré lui. Et le lit n’était pas de balle d’avoine, mais bien de terre dure.

Daonet vô… (Damné soit !… Je vous fais grâce du reste), s’écria Alanic, en désespoir de cause, puisque Dieu est contre moi, que le diable me vienne en aide !

À peine eut-il lâché ce mot impie, qu’il entendit sonner derrière lui, sur la route, les quatre fers d’un cheval. Quand la bête fut arrivée à l’endroit où il gisait, elle s’arrêta, le flaira longuement. Il sentit son haleine sur son cou, et cette haleine était terriblement chaude. Alain Ar Guillou s’arc-bouta d’un bras. Il vit que la crinière du cheval, toute rouge, pendait jusqu’à