Page:Le Braz - La légende de la mort en Basse Bretagne 1893.djvu/528

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

le damné de la poser à terre, puis vous la ramasserez. Vous serez préservé de la sorte : vous aurez mis la terre entre vous et lui.

Je vous ai dit que Jean Gomper était un homme entendu. Il se donna garde de manquer à quoi que ce fût de ce qu’on lui avait prescrit.

Tout d’abord il se trouva quelque peu dépaysé. Il ne voyait de toutes parts que d’immenses roues de feu qui tournaient, tournaient, tournaient. Cela lui éblouissait les yeux. Puis c’était une insupportable odeur de roussi qui le suffoquait. Il tâcha néanmoins de s’orienter là dedans tant bien que mal. Au bout d’une heure de marche, il arriva dans une allée le long de laquelle était rangés, de côté et d’autre, des fauteuils de fer chauffés au rouge. Dans ces fauteuils étaient assis des damnés. Leur corps demeurait immobile, mais sur leur figure se succédaient sans interruption les grimaces les plus atroces. C’est parmi eux que Jean Gomper rencontra enfin son propriétaire :

— Comment vous portez-vous ? dit le fermier, en soulevant son chapeau avec politesse.

— Ah ! c’est toi ! maudit ! s’écria le damné. C’est à cause de toi que je suis ici. Tu viens me réclamer ta quittance, n’est-ce pas ? Misérable, si tu ne t’étais pas dessaisi de ton argent si sottement, ni moi ni mon fils nous n’aurions été tentés !…

Tout en criant ainsi, il avait tiré un papier de sa poche.

— Tiens ! la voilà, ta quittance !

— Pardonnez-moi, mon maître, ce n’est pas celle-là.