Page:Le Braz - La légende de la mort en Basse Bretagne 1893.djvu/66

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Mais si abrégées que puissent être certaines de ces versions, il s’y trouve presque toujours des détails qui révèlent clairement que l’origine du conte est antérieure au christianisme. Ainsi dans Jean l’Or, lorsque le héros réussit à s’évader de l’enfer il emporte avec lui le baquet dans lequel il puise de l’eau pour les chevaux, l’étrille et la brosse ; lorsque Satan le poursuit il jette derrière lui ces divers objets qui deviennent des obstacles, fleuve, montagne ou forêt, que le démon met quelque temps à franchir. C’est là un épisode qui se retrouve dans un très grand nombre de contes populaires, du Japon à l’Afrique australe[1].

Le diable ne joue qu’un rôle très effacé dans la plupart des légendes qu’a recueillies M. Le Braz, et c’est là un des traits qui marquent le plus nettement qu’elles ne doivent presque rien à l’influence ecclésiastique, et qu’elles reflètent des croyances franchement populaires qui n’ont guère emprunté au christianisme que son vocabulaire et des cadres très généraux. Là où il devient le personnage principal, il est volontiers raillé et dupé ; Tadic-Coz se gausse d’un démon et le berne de la belle manière, et les prêtres de Tréguier réussissent à faire construire à Satan la tour de la cathédrale sans bourse

  1. Voir A. Lang, Custom and Myth., p. 87, A far travelled tale.