Page:Le Braz - Le gardien du feu, 1909.djvu/61

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J’étais possédé par l’image d’Adèle. Je croyais sentir la tiédeur juvénile de son corps, la soie caressante de ses cheveux. Des visions m’assaillaient, dont j’avais honte. Pour les fuir, je m’en allais à travers le phare. Je trouvais, dans ces rondes nocturnes, un dérivatif à ma fièvre, et les longues stations à l’air glacé du dehors apaisaient mes nerfs affolés. Le jour, c’étaient des langueurs étranges, un accablement infini. Je demeurais immobile, des heures et des heures, à regarder, dans la direction de la Pointe du Van, si je ne verrais pas se profiler, sur la ligne des falaises, la silhouette exiguë, à peine perceptible, de celle qui m’était tout. Lorsqu’elle ne se montrait pas, j’étais pris comme d’une soif de mourir. Mais, aussi vite, cette perspective d’une mort possible, loin d’elle, m’emplissait d’une épouvante qui m’arrachait à ma torpeur. Mon cœur se remettait à battre avec violence : des énergies