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Page:Le Braz - Vieilles histoires du pays breton, 1905.djvu/151

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NOËL DE CHOUANS

diable, ou bien pendaient à leurs jougs, immobiles, sans âme ni voix.

Et Noël sans les cloches, Noël sans les grêles sonneries qui tintent dans le vent par joyeuses volées, en vérité est-ce encore Noël ?

L’étoile de la Nativité avait elle-même déserté le firmament. Pas une lueur ne veillait là-haut, pas une seule petite clarté ne filtrait à travers les amoncellements de nues, si épaisses, si lourdes qu’elles semblaient de pierre, comme si on avait muré le ciel. Nue aussi était la terre, et vide, et, en apparence, inhabitée. On n’y voyait point trace de chaumière. La grande uniformité sinistre de la neige avait tout nivelé. On eût dit un paysage polaire. Tel devait être le monde avant que la lumière fût. Par instants, on entendait hennir l’invisible et sauvage troupeau des rafales, et des bruits de galops étranges retentissaient au loin dans les profondeurs de l’espace. Puis c’était de nouveau une paix sans limites, une sorte de stupeur universelle ; et les flocons blancs se remettaient à tomber en silence ainsi qu’une mystérieuse pluie d’atomes.

Voici que, soudain, dans la désolation de la steppe, une silhouette d’homme se montra, suivie d’une autre, puis d’une troisième.

Ils s’avançaient à la file, entre les deux rangs d’arbres qui marquaient la route.

— Sale corvée tout de même ! murmura en français l’un d’eux.

Celui qui marchait en tête se retourna pour répondre :

— Vous pouvez être tranquilles désormais. Je suis certain d’être dans la bonne voie. Avant un quart d’heure nous serons arrivés.

Ils portaient le costume du pays vannetais, la veste en