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Page:Le Braz - Vieilles histoires du pays breton, 1905.djvu/228

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AUX VEILLÉES DE NOËL

l’église, l’école — une grande bâtisse fort laide, mais où, tout de même, autrefois, nous nous plaisions bien. J’en ai fréquenté d’autres, plus tard, qui, plus somptueuses, ne sont pas demeurées aussi chères à mon souvenir.

J’étais arrivé à Plouzélambre sur le coup des huit heures. Des écoliers, pareils à celui que je fus, entraient en classe, disposés sur une longue file, les mains derrière le dos, le sac de toile en bandoulière, tête nue et chantant. Le fracas sonore de leurs sabots sur les dalles retentissait en moi délicieusement et, parmi leurs voix claires montant à l’unisson, j’écoutais presque si je ne distinguerais pas la mienne. L’homme porte en lui une infinie puissance d’illusion : il avait suffi qu’autour de moi se reconstituât le décor familier de mon enfance, pour que je me crusse redevenu un enfant.

Un moissonneur descendait la rue, en corps de chemise, sa faucille sur l’épaule. Je l’arrêtai pour lui demander :

— L’instituteur, c’est bien M. Loarer, n’est-ce pas ?

Je nommais mon ancien maître. Le paysan me dévisagea, un peu surpris. Puis, au bout d’un instant :

— Si je ne me trompe, nous avons ânonné ensemble sur les mêmes bancs. Tu dois être un tel. Moi, je suis Le Bourdonnec.

Je lui sautai au cou et nous nous embrassâmes longuement.

— C’est singulier, fit-il, qu’après tant d’années on n’ait pas plus de peine à se reconnaître !… Je me suis souvent demandé, quand on causait de toi, chez nous, quel air tu pouvais bien avoir à présent. N’est-il pas étrange que tu sois exactement celui que je me figurais ?

Je confessai en toute sincérité que, pour ma part, j’eusse difficilement mis, de prime abord, sur son visage robuste et hélé le nom du petit Jouan Le Bourdonnec qui