Aller au contenu

Page:Le Braz - Vieilles histoires du pays breton, 1905.djvu/235

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
231
LE FORGERON DE PLOUZÉLAMBRE

les étoiles m’apparurent comme des étincelles jaillies d’une enclume immense.

— Ah ! oui, m’écriai-je, Miliau Arzur, le terrible batteur de fer !

Je revis l’homme, de taille moyenne, les jambes courtes et comme tassées sous le poids du torse, des épaules quasi trop vastes, presque pas de cou et des bras de géant, des bras velus, avec des biceps en boule qui montaient et qui descendaient. La tête était rude, hirsute, encadrée d’une barbe en collier aussi raide que poil de brosse. Les joues rêches, excoriées comme un vieux cuir, étaient incrustées, damasquinées de limaille de fer qu’on eût prise pour le pointillé bleuâtre de quelque tatouage ancien.

Tout cela ne constituait pas précisément un ensemble très agréable.

Mais ce qui contribuait, plus que tout le reste, à donner à la physionomie un aspect farouche et terrifiant, c’était la cavité vide de l’orbite gauche d’où la prunelle avait été arrachée par un éclat incandescent et que recouvrait mal un lambeau de paupière ombragé d’une touffe de sourcils.

C’était, comme vous voyez, un véritable Cyclope, à l’œil unique. Cet œil, en revanche, était d’une douceur qui rassurait, qui exerçait sur vous, au premier regard, une fascination de bonté. Il était gris, du gris des étangs sous la lune, avec des transparences profondes derrière lesquelles brûlait l’âme du vieux Miliau, hospitalière et chaude comme sa forge.

Cette forge occupait, à l’extrémité du bourg, sur la route de Saint-Michel-en-Grève, les ruines d’un antique sanctuaire de Saint-Efflam détruit, prétend-on, vers 93, par un bataillon de vandales étampois. La statue muti-