reprit-il. Ce qu’il y a de pis, c’est que j’ai été, très involontairement, la cause de son trépas.
— Allons donc ! Comment cela ?
— Je veux te le dire. Ça me soulagera…
Et moi, mon amie, je veux vous redire à mon tour cette extraordinaire aventure, telle que je la tiens des lèvres de Jouan Le Bourdonnec. Elle vous prouvera qu’au pays de mon enfance l’âme triste de la légende n’a pas cessé de fleurir.
III
L’hiver précédent avait été rude, surtout vers la fin de
décembre, aux approches de Noël. Il faisait un temps de
chien ou plutôt un temps de loups. Ce sol, depuis huit
jours, était couvert d’un pied de neige sur laquelle il
avait plu du verglas.
Un mercredi, veille de la Nativité, Jouan Le Bourdonnec se rendit chez Miliau Arzur.
— Vieux père, lui dit-il, j’ai vendu, voici près de deux semaines, une charge de fagots au notaire de Plufur. J’attendais pour les charroyer que les routes fussent redevenues praticables. Mais il parait qu’on meurt de froid chez le tabellion. Il m’envoie prévenir par son clerc qu’il faut que la commande soit livrée pour après-demain. Donc, Miliau, tape ferme et dur, car j’ai besoin pour mon harnais de trois chevaux d’une belle douzaine de fer à glace.
Le forgeron le dévisagea d’un air furieux :