vous vanter d’être né dans un beau pays… Je me rappelle — tenez ! comme si c’était maintenat — le jour où nous y arrivâmes, un peu avant le coucher du soleil. Nous grimpions une longue côte, au flan du Ménez Mikêl ; Pêr était descendu et menait la bête par la bride, l’aidant à éviter les ornières ; moi, assise sur des sacs dans le fond de la charrette, je lui tournais le dos ; nous étions partis de Quimper l’avant-veille et le voyage avait été dur, surtout à cause des marmots dont j’avais constamment un ou doux sur les genoux ; j’étais lasse, je dormais à moitié. Soudain, Pêr me héla : « Regarde, Matic, voilà ce que tu n’as jamais vu. » Je regardai, et j’eus, à la vérité, un éblouissement, tant c’était beau. Des bois, des bois, rien que des bois, et si touffus, et si profonds que tout l’horizon on était noir.
« — N’avais-je pas raison, femme ? poursuivit mon mari. Et n’est-ce pas ici le vrai paradis des sabotiers ?…
« Il faut vous dire que je m’étais fâchée contre lui, quelques jours auparavant, lorsqu’au retour du marché de Quimper, un samedi, il m’avait annoncé qu’il venait de faire prix, pour un arpent de hêtres, avec un garde-forestier de Porthuault… Oh ! oui, et vivement fâchée même !… Qu’était-ce encore que Porthuault dont j’entendais pour la première fois prononcer le nom ? Quelque trou de misère sans doute, par delà le pays du pain !… Et quand il m’avait eu expliqué où c’était, je m’étais mise à pleurer de mécontentement, de désespoir… Plus loin que Châteauneuf, plus loin que Carhaix plus loin que Callac ! Au bout du monde, quoi !… Quel besoin d’aller chercher à tant et tant de lieues ce qu’il était si facile de trouver à portée de la main ? Bref j’avais été navrée…
« Et c’est pour quoi lui, à cette heure, triomphait, en