Page:Le Braz - Vieilles histoires du pays breton, 1905.djvu/30

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s'élève des choses. Les mousses même ont des frissons harmonieux. La brise de mai qui passe dans le creux des vieux chênes les fait vibrer puissamment comme des tuyaux d'orgue. Plus encore que d'habitude la forêt a aujourd'hui son air de grande église, imprégnée de toute espèce d'aromes et d'encens. Comme autant de nefs, les hautes avenues ouvrent des perspectives immenses où mille clartés se jouent, irradiées, semble-t-il, à travers des vitraux de nuances innombrables.


Quand la Charlézenn fut demeurée toute seule, elle se sentit l'âme noyée de tristesse. C'était comme une pluie, fine, lente, continue, qui eût tombé au fond d'elle. Sa résolution si ferme en était comme détrempée. Un instant elle douta si elle aurait le courage jusqu'au bout de son devoir. La mort lui apparaut soudain comme une chose beaucoup plus compliquée qu'elle nz pensait. Elle sur dut s'arracher avec effort à ce coin de nature sauvage où le meilleur de sa vie s'était écoulé. Des fils invisibles l'y enchaînaient. Elle s'en apercevait, maintenant qu'il fallait les rompre, les rompre un à un, non sans une douleur aiguë, comme si à chacun d'eux restait pendu un lambeau d'elle-même.

Mais, à mesure qu'elle avança dans la forêt, la sérénité lui revint. Les arbres versèrent à ses blessures un baume sacré, à son esprit une sécurité grave, profonde. Elle marcha dès lors allégrement. Elle alla à la mort comme à une promenade. Là-bas, dans le ravin, la rivière du Roscoat faisait son grand murmure. "Elle me portera doucement jusqu'à la mer, se disait Gaïd Charlès,