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Page:Le Braz - Vieilles histoires du pays breton, 1905.djvu/306

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RÉCITS DE PASSANTS

IV

Matic se tut une seconde fois. De longues larmes ruisselaient de ses paupières abaissées.

— Grand’mère vénérée, lui dis-je, avec la crainte égoïste que la violence de son émotion ne lui permit point de continuer son récit, n’est-ce pas un de vos principes qu’au cadran du destin l’heure est inflexible et ne se dérange jamais ?

— Certes. Je le pense bien, et cela est. Je n’en ai eu que trop de preuves, hélas ! Mais rien ne le montre mieux que la fin de cette histoire.

« Pour y revenir, je m’étais promis, dès le lendemain de cette soirée où j’avais reçu les confidences de Jeanne Tuai, d’enterrer la hache quelque part où Pêr Corniguellou ne songerait point à l’aller chercher. Or, sur les entrefaites, et avant que j’eusse trouvé un moment propice pour exécuter mon projet, arriva parmi nous un de ces vieux sabotiers infirmes qui, désormais impropres au travail, voyagent de hutte en hutte et vivent, comme on dit, sur le commun, toujours bien accueillis, du roste installés à la meilleure place auprès du foyer, nourris des meilleurs mets, couchés dans le meilleur lit. Ils sont les anciens et comme qui dirait les évêques de la confrérie. Sans cesse par monts et par vaux, ils servent d’intermédiaires entre les cousins, colportent les nouvelles d’un bois à l’autre. Celui-ci venait presque en droite ligne du pays de Fouesnant où demeurait la mère de mon mari, la septuagénaire Nanna Corniguellou.