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Page:Le Braz - Vieilles histoires du pays breton, 1905.djvu/308

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RÉCITS DE PASSANTS

comment elle avait trépassé, ses dernières paroles, ce que nous avions fait. Au moment de nous coucher, me voyant très lasse, à cause des émotions des jours précédents et des fatigues de la route, il me dit avec cette douceur de voix qui lui était habituelle :

« — J’entends que tu reposes en paix demain matin. Les garçons emmèneront les petits dans la hêtraie. Moi, j’irai seul abattre un arbre, pas très loin d’ici. J’aurai fini de belle heure et reviendrai aussitôt préparer le repas de midi, en sorte que tu n’auras à t’occuper de rien. Je te prie donc, pour ma propre satisfaction, de ne te lever point avant mon retour.

« Je dormis d’un sommeil de bête de labour. Le soleil était déjà haut sur l’horizon quand je rouvris les yeux. Un grand silence régnait dans la hutte et au dehors. Je sautai à bas de mon lit, un peu étonnée que Pêr ne fût pas encore là, car notre vieille horloge marquait onze heures.

« — L’arbre, pensai-je, aura été plus dur à abattre qu’il ne croyait.

« Et je me mis, en l’attendant, à ranger les choses du ménage, à réparer l’inévitable désordre causé par mon absence. Assiettes et bots avaient été entassés pêle-mêle dans le bahut. La vue de ce meuble me rappela subitement la hache que j’y avais enfermée. Je constatai avec effroi qu’elle n’y était plus… Un des fils entrait.

« — La hache de François Harnay, lui demandai-je toute troublée, est-ce toi qui l’a prise ?

« — Non, me répondit-il, mais le père l’a emportée au bois ce matin.

« Je sentis une secousse au cœur.

« — Viens ! fis-je ; allons voir où il reste. Je ne suis pas tranquille à son sujet.