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Page:Le Braz - Vieilles histoires du pays breton, 1905.djvu/319

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LE PÉCHÉ D’ERVOANIC PRIGENT

La vieille reprenait, tremblante d’émotion :

— Parlez franchement !… Trouvez-vous qu’elle gagne ?

— Certes oui, Coupaïa. Elle prospère. Elle mûrit I… Le culot monte… Encore un an, elle sera noire comme ma pipe.

Or, les temps étaient venus.

Tant de fumées et de convoitises avaient frôlé la peau de l’andouille qu’elle en était noire, plus noire que la pipe d’Ervoanic Prigent, aussi noire que la soutane, la belle soutane neuve de Dom Karantec.


III


En quelle année ceci se passait-il ? L’histoire ne le dit point.

L’hiver remontait vers le Nord, de son allure cassée de vieillard cacochyme, le dos voûté sous un énorme parapluie, tel que se le représentent volontiers les Bretons. C’est à peine si l’on percevait encore dans le lointain les éclats voilés de sa grosse toux et de ses tristes éternuements… Et, le Vieux parti, la jeunesse de la terre se risquait timidement à rouvrir les yeux, ses clairs yeux printaniers où riait la vie renaissante après l’engourdissement d’un long sommeil.

On assistait de tous côtés au réveil de la Belle au bois dormant.

La Chanson des Gras courait les sentiers des champs