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Page:Le Braz - Vieilles histoires du pays breton, 1905.djvu/57

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LE BÂTARD DU ROI

d’atours magnifiques qui me dévisage, la bouche fendue en un rire effrayant, le rictus d’une tête de mort, ma pauvre chère !…

— En vérité, Clauda ! C’est donc que la maison est hantée ?

— Ne divulgue pas ceci, au moins… Le marquis nous chasserait.

— Sois tranquille, ma bonne.

Est-il besoin de dire que le lendemain, tout Plégat en était informé ? Et c’est bien à quoi s’attendait l’ingénieuse Clauda. Un rempart surnaturel protégeait désormais la marquise. L’intendante venait de dresser autour de sa maîtresse un mur isolateur, le plus infranchissable de tous, le mur d’airain de la superstition.

— Vous voilà élevée h la dignité de fantôme, dit-elle à Mme de Locmaria, vous n’avez plus rien à craindre pour votre sécurité.

Des rapports presque affectueux s’étaient établis entre les deux femmes, quelque grande que fût la distance sociale qui les séparait. Non seulement Clauda avait abjuré tout parti-pris à l’égard de la marquise ; mais, à la fréquenter chaque soir, à vivre avec elle sur un pied de respectueuse intimité, elle en était venue à s’attacher à elle d’un lien puissant à la force duquel elle ne cherchait plus à se dérober.

Aux premières ombres du crépuscule, elle se dirigeait vers le château.

Vanda, la jeune Hongroise, qui remplissait les fonctions de soubrette, l’introduisait incontinent dans la salle couleur de lune où la marquise se tenait de préférence, brodant ou lisant à la clarté d’un flambeau de cire. Mme de Locmaria la faisait asseoir près d’elle sur un tabouret et lui disait de sa jolie voix chantante :