ici ne vaut rien : les faits parlent et doivent nous avertir. « Malheur à qui remue le fond d’une nation ! » Le peuple est toujours enfant, la populace « toujours cannibale, toujours anthropophage » : pour elle « il n’est point de siècle de lumière * ». A l’heure où « le peuple de Paris, roi, juge et bourreau » traîne au supplice Foulon et Berthier, où le peuple des campagnes incendie les châteaux, nos députés placent en tête de l’acte constitutionnel une Déclaration des Droits ! « Préface criminelle d’un livre impossible 2 ! » Les passions sont déchaînées ; ils les arment de principes !
Souvenez-vous, députés de France, leur crie-t-il tandis qu’ils discutent les termes de la Déclaration, que lorsqu’on soulève un peuple, on lui donne toujours plus d’énergie qu’il n’en faut pour arriver au but qu’on se propose… Craignez que des hommes, auxquels vous n’avez parlé que de leurs droits, et jamais de leurs devoirs ; que des hommes qui n’ont plus à redouter l’autorité royale, qui n’entendent rien aux opérations d’une Assemblée législative, et qui en ont conçu des espérances exagérées, ne veuillent passer, de l’égalité civile que don-
posé son axiome insensé de la raison universelle, maîtresse du monde ; il écarte toute la théorie des passions et les effets de l’ignorance. »
Sur cette question de la souveraineté, on trouvera dans le Journal, çà et là, dans le Discours Préliminaire, et dans le texte imparfait, publié en 1831, de son discours de la Souveraineté du Peuple, les idées de Rivarol. Elles se résumeraient ainsi : la souveraineté n’est pas un droit naturel de l’individu, et n’est pas dans le peuple ; elle est une fonction du corps politique, lequel est une combinaison à la fois artificielle et nécessaire de la force des uns, de la richesse ou de l’intelligence des autres en vue du bien commun ; le peuple est force ; mais à la force il faut un organe pour qu’elle devienne puissance, et l’organe, c’est le gouvernement. Il dit dans ce discours de la Souveraineté du Peuple : « Il est absurde de dire que le peuple est souverain parce qu’il ne peut avoir une volonté, puisque nommer des représentants, en supposant même que la nomination fût libre et éclairée, c’est donner sa procuration, ce n’est pas transmettre sa volonté. Or une procuration qu’on ne peut retirer est une interdiction réelle et une tutelle forcée. » Rapprochons de ces pages celles du Discours Préliminaire où il reproche aux philosophes de la Constituante de nous avoir donné « une analyse » au lieu d’une « maison », et nous sentirons l’analogie avec les idées de Joseph de Maistre, telles que les a si bien définies M. Faguet dans ses Politiques et Moralistes du XIXe siècle. Mais à Rivarol ne s’appliquerait pas le nom de « métaphysicien de l’absolutisme » que M. de Rémusat donne à Maistre et à Bonald (l’Angleterre au XVIIIe siècle).
. Journal Politique National, l re série, n° 10. . Discours Préliminaire, p. 226.