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Page:Le Centaure, I, 1896.djvu/17

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Or, quand douze années se furent écoulées depuis le jour de leur naissance, leur mère se prit d’inquiétude et les suivit quelquefois.

Les deux enfants ne jouaient plus, et quand ils avaient vécu tout un jour dans la forêt, ils ne rapportaient rien à la main, oiseaux ni fleurs, ni fruits ni couronnes. Ils marchaient si près l’un de l’autre que leurs chevelures se mêlaient. Les mains de Byblis erraient sur les bras de son frère. Parfois elle le baisait sur la joue : alors tous deux restaient silencieux.

Quand la chaleur était trop forte, ils se glissaient dans les branches basses, et là, couchés sur la poitrine à travers la mousse odorante, ils se parlaient et s’adoraient et ne se désenlaçaient point.

Alors Cyanée appela son fils à l’écart et lui dit :

« Pourquoi es-tu triste ? »

Caunos répondit :

« Je ne suis pas triste. Je l’étais autrefois, de rire et de jouer. A présent, tout est bien changé. Je n’ai plus besoin des jeux, mère, et si je ne ris plus, c’est que je suis heureux ».

Et Cyanée lui demanda :

« Pourquoi es-tu heureux ? »

Et Caunos répondit :

« Je regarde Byblis ».

Et Cyanée lui demanda encore :

« Pourquoi ne regardes-tu plus la forêt ?

- Parce que les cheveux de Byblis sont plus doux que les herbes et plus chargés de parfum ; parce que les yeux de Byblis... »

Mais Cyanée l’arrêta :

« Enfant, Tais-toi ! »

Et, espérant le guérir de sa passion défendue, elle le conduisit aussitôt chez une nymphe de la montagne, laquelle avait sept filles d’une beauté plus merveilleuse que les mots ne sauraient dire :

Et toutes deux lui parlèrent, s’étant concertées :

« Choisis. Celle qui te plaira, Caunos, sera ta femme ».

Mais Caunos regarda les sept jeunes filles d’un œil aussi indifférent