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abrégé

rendait la liberté. » Les livres des Arabes sont remplis des exemples de sa générosité. Je ne puis me refuser au plaisir d’écrire le trait suivant, rapporté par le même auteur. Hatem, déguisé, traversait le territoire d’Anzirate. Un prisonnier chargé de fers le reconnut. Persuadé que s’il pouvait se faire entendre, ses liens allaient tomber, il s’écria : Abou Sofana[1] ! la captivité et la vermine m’ont rongé. Mon ami, lui dit Hatem, il ne fallait pas me nommer dans une terre étrangère. Cependant, il s’approcha du malheureux ; il le fit déchaîner et se mit à sa place. Étant connu, il ne put obtenir sa liberté qu’à prix d’or. Il resta dans les fers jusqu’à ce qu’il eût payé sa rançon, qui fut très-considérable.

Hatem laissa en mourant un fils nommé Adi, et la belle Sofana[2]. Ils suivaient la religion chrétienne ; mais une partie des Taïtes qui formaient leur tribu adorait encore les faux dieux. Mahomet envoya Ali avec des troupes, pour renverser Elfatas, leur principale idole. Adi prit la fuite, et se retira en Syrie avec une partie de ses richesses. Sofana était restée à Khader. Elle fut emmenée à Médine. Confondue dans la foule des captives, elle se trouva exposée au milieu de la place publique. Tandis que les compagnes de son infortune s’abandonnaient aux larmes et au désespoir, elle réfléchissait aux moyens de sortir de l’abîme. Ayant aperçu le prophète qui passait, elle se leva précipitamment, et lui dit : « Ô apôtre de Dieu ! celui qui m’a donné le jour n’est plus ; mon patron a pris la fuite ; faites-moi participer à la grâce que Dieu vous a accordée. » « Quel est votre patron ? lui demanda Mahomet. — C’est Adi, fils de Hatem, lui répondit Sofana. — Que le ciel vous accorde votre demande, comme je le fais moi-même.

  1. Abou Sofana signifie père de la perle. Hatem avait pris ce nom par amour pour sa fille nommée Sofana.
  2. Ebn Ishak.