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plaisir aux théories originales, aux idées vivantes qu’elle l’entendait émettre.

Mme d’Oyrelles rejoignit sa fille. Sans prétendre donner de leçon à personne, elle n’aimait pas à la quitter dans les foules, et se tenait près d’elle le plus possible.

— Bonjour, Bernard ; bonjour, M. de Frumand. Allez-vous nous accompagner aux baraques ? On en dit merveille.

— Mais, madame, est-ce que nous serions admis ?

— Je le crois. On ne demande que des spectateurs.

— Comment donc ! s’écria Mlle Fulston, qui s’était tout à fait rapprochée, mais venez vite ! Courons, si nous voulons avoir des places.

Elle se tenait près de Bernard et lui prit le bras sans autre cérémonie.

— Encore ! murmura Frumand qui se hâta d’offrir le sien à Mme d’Oyrelles.

Quand ils arrivèrent au jardin, les baraques étaient déjà combles.

Les plus courues étaient le combat de coqs (une innovation), les marionnettes et les Pupazzi.

Mlle Fulston essaya d’abord d’entrer aux combats de coqs, mais il y avait foule ; on ne pouvait rien apercevoir. On entendait seulement des battements d’ailes, des cris de fureur, des colères subites, et, tout dans le haut, des voix de femmes qui disaient sur un ton maniéré :

— Oh ! c’est cruel ! vraiment c’est trop cruel !

Mlle Fulston chercha à se faufiler, ou à voir les coqs en s’élevant sur la pointe des pieds. Ce combat sauvage l’attirait et tous les muscles de son visage se tendaient en avant. Mais ses grands yeux glauques ne purent rien découvrir.

Pendant ce temps, Mme d’Oyrelles et Jeanne, conduites par Frumand, avaient trouvé place au théâtre des marionnettes que montrait avec beaucoup d’esprit le fameux petit B…

Bernard et Mlle Fulston les rejoignirent et s’installèrent près d’eux. La chaise de Bernard se trouva juste derrière celle de Jeanne et pendant tout le spectacle, il put contempler à loisir cette svelte et gracieuse personne, les mouvements harmonieux de cette taille souple et de ce cou charmant. Parfois même, Jeanne tournait la tête, et Bernard apercevait un contour de joue, et le rayon d’un œil bleu. Il respirait le parfum léger qui s’échappait des cheveux de Jeanne. Il était sous le charme, et ce qu’il répondait à Mlle Fulston était sans doute bien machinal, car tout son être, tout son rêve était ailleurs.

Il n’eût pu dire vraiment si la représentation avait duré dix