Page:Le Courrier français, année 9, n° 23, 5 juin 1892 (extrait).djvu/3

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Il voyagea bien des années ;
Semblaient être ses destinées
D’un entrepreneur de tournées.

Il eut des hauts, il eut des bas,
Il eut de l’argent dans ses bas
Comme des fois il n’en eut pas.

Il joua. Il prit des maîtresses
Tantôt blanches, tantôt négresses
Mais resta nul sous leurs caresses ;

Car au moment victorieux,
Quand il croyait toucher aux cieux,
Il avait son pet sous les yeux.

Et partout, quoique dans l’espace
Il allât, tel un vent qui passe,
Il voyait ce pet face à face ;

On eût dit son propre reflet.
D’autres fois, il le trimbalait
Derrière lui comme un boulet.

Après vingt ans de cette vie
Odieusement asservie
Il n’eut plus au cœur qu’une envie :

Comme il se sentait dépérir
À de la sorte ainsi courir,
Il voulut avant de mourir

Revoir le ciel de sa patrie
Et puis sa petite chérie.
« S’il plaît à la Vierge Marie !…

« Sans doute – pensait-il – là-bas
Ils auront oublié mon cas
Ou bien ne me remettront pas. »

« D’ailleurs, tant pis ! qu’on me lapide ! »
Aussitôt dit, notre intrépide
Revint chez lui par le rapide.



À peine avait-il débarqué
Qu’il a déjà tout remarqué,
Tout allumé, tout reluqué.

… L’école à gauche… ici, l’église…
Tout près de là se trouve sise
La chambrette de sa promise…