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Page:Le Crapouillot, sept 1931.djvu/8

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LE CRAPOUILLOT

Alexandre passa devant lui ; rien ne bougea.

— Ah ! dit Alexandre, ton chien qui louche !

— Comment, il louche ?

— Oui, il regarde, à Morienval, si Pierrefonds brûle.

— Eh bien, toi, regarde à tes pieds, et fais attention à ce qui va partir.

Je n’avais pas achevé, qu’un levraut déboula.

Alexandre lui envoya son coup de fusil ; le lièvre lit le manchon.

Pritchard ne bougea pas.

Seulement, il avait cessé de loucher : l’œil qui regardait, à Morienval, si Pierrefonds brûlait, s’était réuni à celui qui regardait Pierrefonds.

— Imbécile, dit Alfred, en lui envoyant un coüp de pied au-dessous de son plumet, tu ne vois pas qu’il est tué ?

Pritchard se retourna d’un air qui signifiait : « Imbécile toi-même ! » et il reprit son arrêt.

— Tiens, dit Alfred.

— Comment ! lui dis-je, tu ne vois pas qu’il arrête deux levrauts à la fois, que l’un est parti dans les jambes d’Alexandre, et que l’autre va partir dans les jambes de Maquet.

Je n’avais pas achevé, que le second levraut, comme s’il n’eût attendu que mon indication, déboula à son tour.

Maquet le manqua du premier coup et le tua du second.

— Viens, Médor, viens, dit Alfred.

Et il piqua sur Morienval.

— Bon ! dis-je à Alexandre, voilà Alfred qui fait sa pointe, nous ne le reverrons plus que ce soir.

— Consolons-nous de sa perte avec l’espoir qu’il ne reviendra pas, dit Alexandre.

Et il mit son lièvre dans son carnier.

Maquet en fit autant du sien.

— C’est égal, à quatre, avec deux chiens, cela allait à merveille, tandis qu’à trois, avec un seul…

— Je trouve que Pritchard, à lui tout seul, en vaut deux, dit Maquet.

— Où est-il, demanda Alexandre.

Nous regardâmes de tous côtés.

Pas de Pritchard.

En ce moment, notre attention fut attirée par un coup de fusil tiré par Alfred, qui venait de disparaître derrière la crête d’un larix.

Cette détonation fut suivie par les cris de « Cherche, apporte, Médor ! cherche ! »

— Allons, dit Alexandre, voilà Alfred qui commence sa chasse.

Pendant qu’Alexandre et Maquet rechargeaient leurs fusils, les cris d’Alfred non seulement continuaient, mais encore redoublaient d’intensité.

— Regarde un peu, dis-je à Alexandre ; mais regarde donc !

Alexandre tourna les yeux dans la direction que je lui indiquais.

— Ah ! bon, dit-il, Pritchard qui a attrapé une perdrix.

— Il ne l’a pas attrapée, il l’a volée.

— À qui ?

— À Alfred, donc ! c’est la perdrix qu’il fait chercher à Médor.

En ce moment, un second coup de fusil partit, toujours dans la direction d’Alfred.

— Regarde ce que fait Pritchard, criai-je à Alexandre.

— Ah çà ! répondit-il, tu aurais dû me dire que nous venions au spectacle et non à la chasse ; j’aurais pris une lorgnette au lieu d’un fusil.

En effet, Pritchard venait de laisser tomber dans un sillon la perdrix qu’il rapportait, et était reparti au grand trot dans la direction du coup.

Dix secondes après, il reparaissait avec une seconde perdrix.

Alfred continuait à crier à tue-tête :

— Apporte, Médor ! apporte !

— Voulez-vous m’expliquer ce qui se passe ? dit Maquet.