C’est dommage, n’est-ce pas, que je ne sois pas avocat ?
Je sue sang et eau à plaider pour un mort, qui ne s’en
soucie guère. Je me fais un client, pour le défendre. Qui
diantre, me dira-t-on, vous pousse à tant jouer de la langue
en faveur de l’héroïde ? Qui est-ce qui vous dispute ses
avantages ? Voilà cent ans que personne n’y pense ! C’est
justement ce dont je me plains, mon cher ami. C’est le
procès de l’oubli que je fais en ce moment. L’oubli n’est
venu qu’à la suite d’une condamnation : et j’appelle de
ce jugement, pour le réformer. Qu’est-ce qui a motivé
cet arrêt ? la monotonie ! toute espèce d’ouvrage en est
passible. C’est un vice de l’auteur, et rien n’est uniforme
pour un esprit qui ne l’est pas. Les Paganini de l’intelligence
exécutent des symphonies sur une seule corde, et
font orchestre avec une chanterelle. Moi, ce que je trouve
de plus admirable dans l’héroïde, et peut-être aussi
d’embarrassant, c’est la multiplicité de ses ressources.
Tout est de son ressort. Elle peut manier alternativement
tous les tons, s’élever de la naïveté de l’idylle au
sublime hyperbolique de l’ode, passer de la simplicité de
l’apologue au merveilleux de l’épopée. Elle scrute, elle
analyse, elle disserte, elle pleure, elle rit et elle effraye.
Tous les secrets du cœur lui appartiennent. Elle peut
toucher, s’il lui plaît, aux plus hautes spéculations de la
pensée, ou descendre dans ses abîmes. Elle résume
toutes les émotions qu’elle éveille. Si cela ne vaut rien,
faites-moi donc le plaisir de me dire ce qui vaut mieux ?
Nous avons répondu, tant bien que mal, au reproche de fausseté. J’en veux repousser un autre qui le côtoie de