Page:Le Fèvre-Deumier - Le Livre du promeneur ou Les mois et les jours, 1854.djvu/323

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doigt qui dit l’heure tourne sans s’arrêter. La seule différence avec nos joujoux de jardins, c’est que l’aiguille ici fait du bruit en tournant ; c’est qu’un timbre résonne derrière les nombres qu’elle indique ; c’est que la table horaire frissonne et retentit sous l’ombre qui l’effleure, comme nos ponts de fer sous le pied des chevaux ; c’est que le cadran parle à chaque heure qui passe. Sa voix, c’est la chute d’un empire ou d’un géant, le canon d’appel d’un navire qui sombre, le cri de mort d’un aigle encagé par des rustres.

Qu’importe au reste ce fracas ? Qu’il y ait ou n’y ait pas de sonnerie à notre horloge, n’est-ce pas une pensée qui nous terrasse, de voir que, à quelque époque de la vie qu’on se prenne, ce soit toujours une négation, et, si ce n’est la nuit, son image qui mesure les enjambées du temps ? En vérité, nous n’avons pas besoin d’appeler, comme en Égypte, la mort dans nos banquets. Convive inamovible, elle y assiste malgré nous, criant toujours à nos oreilles quelque impitoyable axiome de la Bible, ce livre qui a tant d’échos dans l’univers quand il parle de vanité !

Hélas ! oui, nos plaisirs, nos gloires, nos exploits d’intelligence, ou nos prouesses de conquérans, tout cela n’est que vide, obscurité, poussière. Qu’est-ce que nos plus hautes idées, nos plus beaux rêves, nos plus beaux jours, les minutes même, où l’on compte