Page:Le Fèvre-Deumier - Le Livre du promeneur ou Les mois et les jours, 1854.djvu/62

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cœur un faisceau d’espérances, que je ne croyais pas facile à dénouer. Je m’étais égaré au milieu des Alpes, et je me trouvais dans une petite vallée si riante, que, si j’essayais de vous la peindre, vous crieriez tous que c’est un site fantastique. Ce qui me charmait surtout, c’était le frémissement argenté d’un ruisseau, qui roulait à petits plis ses cascades dans la mousse et les fleurs, et qui sortait, à mes pieds, d’un rocher enveloppé de viorne et de clématite. Si pur à sa naissance, qu’il doit être beau plus loin, et que les prés qu’il arrose seront frais et parfumés, quand son cours sera plus libre et sa couche plus large ! Voilà bien, pensai-je, le guide harmonieux que je dois suivre pour aller au pays que je cherche, au pays des heureux ! et je me mis en marche pour y arriver avec lui. Je ne marchai pas long-temps. A quelques pas de sa source, le ruisseau tombait dans un abîme dont aucun œil humain ne pourrait voir le fond. S’y perdait il tout entier, ou reparaissait-il au-delà dans quelque vallon plus riche que le paysage où j’étais ? c’est ce que je ne saurais vous dire. Il fallait franchir le gouffre pour le savoir, et je suis resté sur le bord.