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GRAND-LOUIS L’INNOCENT

eût étouffé les faibles envahisseurs bardés de métaphysique.

Ève s’était jadis aventurée. Elle sentait encore autour d’elle le redoutable enlacement. À certaines heures, son cœur rede­venait cette bête errante et meurtrie qui allait droit devant elle, sur une terre sans douceur, parmi des hommes sans merci.

Un froid visage se dégageait d’entre les autres. Il les personnifiait tous. Il deve­nait le portrait d’une race. Il ornait les murs de la maison figée. Quand elle s’approchait de trop près, une buée hivernale s’en dégageait qui la frappait à la face, les yeux pâles la pénétraient, les lèvres étaient durement sculptées.

L’âme du Nord ! L’âme masculine. Car la femme n’était, là comme ailleurs, que la douce forme argentée couchée sur la stèle, le motif répété à l’infini, en bas-relief, l’arabesque à peine indiquée.

Ève avait rapporté de l’étranger la statue de glace et de neige, pour la placer dans la lande, un linge humide sur son visage inachevé. Elle y travaillait pour donner une survivance à des traits évanescents. Il fallait creuser ce masque, remonter ce cœur arrêté, comprendre cette énigme.

Et l’ayant comprise, tendre les mains à une ombre.