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Page:Le Franc - Grand-Louis l’innocent, 1925.djvu/94

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GRAND-LOUIS L’INNOCENT

agi d’une partie de chasse en fin de semaine, il l’invitait à souper dans un restaurant fameux. L’orchestre, disait-il, était bon…

Le coup fut atroce, mais elle avait été à bonne école. Elle s’habilla avec soin.

Il vint la chercher, sonna à la porte d’entrée et attendit en bas qu’elle fût prête. Ils se saluèrent dans la rue avec une exubérance qui ne leur était pas coutumière. Il marchait vite, la tête levée, le regard déjà ailleurs, un demi-sourire flottant sur ses traits. Il portait sa jeunesse conquérante sur ses épaules. Il n’avait point vécu sa vie. L’avenir était devant lui. Ève n’aurait été qu’un épisode qu’il commençait dès ce soir à oublier.

Un pardessus de fourrure qu’elle ne lui connaissait pas, acheté sans doute en vue du voyage, lui parut trop neuf, trop ample, brutal et vulgaire. Elle eut un instant un sentiment de répulsion contre cet homme qui pouvait être aussi cruel et n’avoir pas l’air de s’en douter.

Elle se plaignit en riant d’avoir à courir pour le rattraper. Bien sûr, cette voix légère ne lui appartenait pas. Ce soir, quelqu’un d’autre parlait, agissait à sa place. Son être vrai n’était qu’une blessure saignante.