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Page:Le Franc - L'âme maternelle - nouvelle canadienne inédite, Album universel, 8 décembre 1906.djvu/8

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ses jambes, et puis, cette rougeur inaccoutumée du visage, ce tremblement des mains, ces éclats fébriles de sa voix…

Elle se rapprocha de lui et murmura :

— Vous ne vous sentez pas bien, papa ?

Lui, cependant, n’avait pas encore tout dit.

— Oui, oui, il faut que cela change. J’en ai assez. Ah ! On s’est moqué du bonhomme pendant vingt ans, eh ! bien, il va se moquer des autres !

Il se leva et reprit sa marche furieuse, puis avisant sur la table une rose unique, une « american beauty » plongeant dans un vase au long col de cristal, il l’atteignit d’un coup de canne, et la fleur et le vase roulèrent sur le tapis.

— Et voilà, pour commencer la besogne ! Il se moque, le bonhomme, il se moque, vous dis-je ! Il va faire des folies lui aussi. Et puis, adieu les affaires ! Madame est toujours sortie, mademoiselle toujours sortie, monsieur André, le fils à papa, toujours sorti ! Môssieu Rontieux sortira à son tour ! Il ira, il ira…

Il chercha un moment.

— Il ira au théâtre, au club, au bar, comme aujourd’hui ; il boira du brandy, comme aujourd’hui, pour oublier…

Un cri étouffé de Paillette, dont il ne se rappelait plus la présence, l’arrêta.

— Oh ! papa !

Elle comprenait maintenant l’excitation de son père : il avait bu !