Aller au contenu

Page:Le Franc - Visages de Montréal, 1934.djvu/119

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
119
visages de montréal

vous en gémissant au téléphone : Jeannine sera là dans un instant, avec du tilleul de France dans son manchon. Ayez un chagrin… Les humbles, les malchanceux, les ratés sont ceux qu’elle préfère. Sa maison, son cœur, sa bourse leur sont ouverts. Son temps, son appartement, sont à leur disposition. « Ne vous inquiétez pas, dit-elle, à ceux qui sont menacés d’être jetés dehors, il y a toujours la chambre de Théo ! » Elle est prête à leur sacrifier ses chères habitudes. On l’a vue recueillir chez elle l’édition invendue d’un poète, mille volumes par piles de cent — elle y avait du mérite, car ces paquets de forme inaccoutumée ont rendu Nanki nerveuse — et chaque fois qu’elle montait à cheval, elle en glissait un exemplaire ou deux dans sa jaquette, qu’elle vendait à ses riches connaissances du Hill, au prix fort. Quand elle se promenait dans le campus avec Nanki, elle en offrait au professeur de B. en flanelle blanche qui allait jouer au tennis ; elle en offrait, au rabais, aux étudiantes à chien avec qui elle avait pris l’habitude d’échanger quelques mots. Elle refuse de placer des billets de tombola pour l’Œuvre nationale parce que les snobs sont à la tête de l’entreprise, et de vendre, au 14 juillet, des petits drapeaux aux invités de la Ville d’Ys, l’aviso français retour de Terre-Neuve, qui donne son bal annuel. Mais méfiez-vous d’elle. Elle a toujours sur