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Page:Le Franc - Visages de Montréal, 1934.djvu/136

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marie le franc

son u où elle n’arrivait pas à pénétrer. Nous n’étions pas convaincues qu’elle fût en progrès.

Je ne sais laquelle des deux dénicha le mot brouillard. Je vois encore Florence, sa longue main brune aux doigts pliants posée sur sa gorge avant de l’attaquer. Le volume sonore qu’elle lui donnait me faisait reculer un peu sur la chaise au bord de laquelle j’étais assise. Ce brouillard dégageait des visions, et nous nous trouvions toutes deux trébuchant dans un Londres fuligineux pavé de grosses maisons sombres.

Une fois le mot projeté hors de sa gorge, Florence perdait son expression d’angoisse et étourdie elle-même par l’espèce d’explosion qu’il avait provoquée, elle riait, et je riais, et cela allait jusqu’au fou rire, vite réprimé chez moi à la pensée que je gagnais bien mal mon argent.

C’est sans doute par association d’idées que le mot de brouillard la conduisit à celui de brougham[1] qu’elle voulut me faire dire, et que je prononçai d’une façon étouffée et pâle qui donnait à ce brougham l’air d’un équipage fantôme. J’avais perdu toute mon assurance et nous nous trouvâmes, Florence et moi, sur un pied d’égalité.

Parfois, elle n’était pas rentrée quand j’arrivais. Elle criait en me voyant : « Wait-Attendez ! »

  1. Sorte de fiacre de Londres.