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Page:Le Franc - Visages de Montréal, 1934.djvu/140

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marie le franc

main, parmi ses plantations de rosiers. Elle murmura d’un ton évasif qu’elle ne se sentait pas bien, qu’elle souffrait d’un « nervous breakdown ». Elle ne voulut rien dire de plus, et en insistant on eût amené des larmes dans ses yeux.

Nous reprîmes nos conversations d’autrefois. Elle tentait de se raccrocher à quelque chose, d’apporter quelque persistance à ses projets. À la fin de l’été, la chaise-longue fut abandonnée. Je trouvais souvent Florence au lit, avec un air de nervosité sur son visage, sans que je pusse dire si c’était physiquement qu’elle souffrait.

Elle faisait des progrès en français, moins par l’application qu’elle y apportait que par le cheminement souterrain qu’il effectuait en elle. Elle refusait de discuter son propre cas, mais elle prenait goût à des problèmes moraux, à des situations psychologiques auxquelles, intérieurement, elle trouvait des analogies avec la sienne. Le français lui servait d’échappatoire. Ce qu’elle eût jugé indécent, « improper », de discuter, même par allusions, elle l’abordait dans une langue étrangère. Et si impur que le français demeurât sur ses lèvres quand il s’agissait de propos ordinaires, il revêtait une espèce d’élégance pour décrire un état d’âme, un conflit de sentiments. Il ressemblait alors à Florence, souple, ployant, aristocratique, avec des incidentes qui n’en finissaient plus, por-