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Page:Le Franc - Visages de Montréal, 1934.djvu/143

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visages de montréal

Aux environs de Noël, elle déploya beaucoup d’activité pour préparer un panier destiné à la housekeeper du camp, qui vivait dans cette solitude toute l’année, une femme supérieure, une lady, disait-elle, qui s’était réfugiée là pour des raisons connues d’elle seule. Chaque Noël, on lui envoyait une dinde, des mince-pies et un plum-pudding préparés à l’avance, qu’on tenait au frais dans la cave, du raisin de Californie, des pommes Macintosh. Florence travaillait depuis des semaines à un ouvrage de soie rose qu’elle appelait un « bed-jacket », à l’intention de la dame du fond des bois. Je rêvais à cette créature mystérieuse que l’hiver tenait séparée du monde. « Elle vit là absolument seule ? » demandais-je, dans mon incapacité de Française à concevoir la solitude totale. — « Toute seule. Mais il y a un métis qui vient apporter le bois tous les matins, et qui est très gentil aussi », répondait Florence.

Elle décrivait le camp où elle avait passé plusieurs Noëls, le sofa du sitting-room couvert d’une peau de buffle, où on s’allongeait devant l’énorme feu de la cheminée.

Le matin, on voyait des empreintes d’ours à la porte de la cuisine, et une fois, on avait trouvé dans le bois le corps gelé d’un Indien. La neige battue par ses raquettes montrait qu’il avait fait