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Page:Le Franc - Visages de Montréal, 1934.djvu/148

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marie le franc

tueuses pelleteries, ou laissant son regard couleur de châtaigne d’automne tombée à terre errer sur la ville d’où elle était exclue.

Elle portait un tailleur brun de tweed anglais et des fourrures du même ton, et malgré la sobriété de sa mise, elle ne réussissait pas à avoir un aspect quelconque. Il fallait qu’on se retournât sur son passage, et le passant lancé dans la foule comme s’il y cherchait une rencontre unique, poursuivait son chemin avec le sentiment qu’il l’avait entrevue un instant sous les espèces de cette inconnue au regard pathétique dont les vêtements portaient le pli de la vague.

Elle était ce jour-là accompagnée de son mari. De voir celui-ci, l’allure désœuvrée, les mains dans les poches, aux côtés de sa femme dans la rue, comme s’il se fût trouvé à Londres ou à Paris, me causa un malaise. Que n’était-il à ses affaires ? Les business men de la cité ne se promenaient pas avec leur femme à 3 heures de l’après-midi ! Il avait, après son mariage, quitté la banque de son beau-père et ouvert à son compte un bureau d’agent de change. J’eus l’impression que Florence promenait un malade.

Elle m’annonça qu’ils allaient partir pour un voyage en Europe. Son mari confirma la nouvelle d’un sourire indifférent qui découvrit ses dents trop brillantes. Il me fit le grand salut exagéré